Propriété intellectuelle : comment protéger ses créations ?

Un logo, un graphisme, constituent souvent bien plus que seulement une forme, l’harmonie des couleurs d’un produit, ou d’une interface. Pour de nombreuses entreprises, le design est un facteur économique essentiel. En effet, des formes et des couleurs prégnantes constituent souvent la marque de fabrique d’une société, et font donc partie intégrante de son identité. La plupart du temps, le design est aussi déterminant pour le succès d’une entreprise, car il influence les décisions d’achat des clients. Sur Internet comme hors ligne, le graphisme est un argument-clé de vente car il sert de repère aux clients pour comparer différents produits. C’est la raison pour laquelle il est important pour les entreprises de protéger leur design. Qu’est-ce qui est important à savoir pour la propriété intellectuelle ?

La propriété intellectuelle : protéger sa création auprès de l’INPI

Les particuliers comme les professionnels peuvent protéger leurs créations auprès de l’INPI (Institut national de la propriété industrielle). Dans la pratique, il est possible de protéger tant un concept, un savoir, qu’un nom ou une création esthétique, qu’elle soit en deux ou trois dimensions. Les différentes catégories des créations protégées sont consultables sur le site officiel de l’INPI.

La propriété intellectuelle regroupe la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique, deux formes de protection différentes qui s’appliquent à des créations de différents types, et s’obtiennent grâce à différentes démarches, adaptées à différentes créations.

Le dépôt de marque

Ce dispositif protège les signes distinctifs propres, et permet d’engager des poursuites pour d’éventuelles contrefaçons. Les différents produits et services sont triés par classe (par exemple les vêtements correspondent à la classe 25), il s’agit donc de sélectionner la ou les classes correspondantes à ce que vous souhaitez protéger. Pour faire protéger un produit ou un service appartenant à une, deux ou trois classes, il vous en coutera 250 € pour un dépôt papier et 210 € pour un dépôt électronique. Dans les deux cas, l’ajout de chaque classe supplémentaire coute 42 €. Le dépôt de marque garantit une protection pour 10 ans. Le renouvellement coute 250 €, et 42 € par classe supplémentaire.

Le dépôt de dessins et de modèles

Ce dispositif est applicable au design de vos produits, qu’ils soient industriels ou artisanaux. Il protège vos innovations esthétiques, et vous en garantit un monopole d’exploitation pendant 5 ans, renouvelable 5 fois (soit 25 ans au total). Il s’agit un processus assez complexe et relativement couteux pour des dépôts importants. Il nécessite en effet de déposer des reproductions de l’invention (jusqu’à 100 au total), et chaque reproduction en noir et blanc est facturée 23 € contre 47 € pour chaque reproduction en couleur. Le forfait de dépôt coute 39 €, et chaque renouvellement coûte 52 €.

Le dépôt de brevet

Le brevet protège une invention technique apportant une solution à un problème donné. Il garantit un monopole d’exploitation pour une durée de 20 ans maximum. Ceci signifie qu’il est possible de poursuivre en justice toute contrefaçon ou usurpation, et de jouir exclusivement des bénéfices financiers générés par cette invention. Le dépôt de brevet coûte 36 €, auxquels il faut ajouter 520 € pour le rapport de recherche effectué par l’INPI, et 90 € pour la délivrance du brevet.

Le droit d’auteur

Le droit d’auteur est un droit qui protège les œuvres originales, c’est-à-dire portant la personnalité de l’auteur. Il s’applique automatiquement, tant que l’on peut prouver que l’on est bien l’auteur de la création, et à quelle date elle a été créée. Ce droit permet à l’auteur d’avoir un droit de regard sur le contexte de présentation de sa création, et d’en interdire ou autoriser la publication s’il le souhaite, et d’obtenir une rétribution en cas de diffusion. Il s’applique à toute œuvre de l’esprit originale, sans distinction de forme, de genre, de mérite ou de destination. Il ne protège toutefois ni les idées ni les concepts.

Si la protection grâce au droit d’auteur ne nécessite pas de formalité spécifique, Il faut tout de même se protéger en amont pour être en mesure de prouver ces éléments, notamment grâce l’enveloppe Soleau, un procédé pratique et économique permettant de prouver la date de votre création. Il d’une simple enveloppe scellée, qui doit contenir une description de la création en question et être déposée auprès de l’INPI. L’enveloppe Soleau peut également être déposée en ligne grâce au service e-Soleau. Ce procédé, qui coute 15 €, est valable pour une durée de 5 ans renouvelable une fois. Pour attester de l’authenticité de sa création, l’autre moyen consiste à les déposer auprès d’un officier ministériel (notaire ou huissier de justice) ou d’une société d’auteurs.

Dépôt de dessins et de modèles: nouveauté et caractère propre

Pour un dépôt de dessins et de modèles auprès de l’INPI, au nom de la propriété intellectuelle il est indispensable de remplir ces deux conditions, qui doivent être vérifiées par le déposant lui-même. En ce qui concerne la nouveauté, il s’agit de s’assurer qu’il n’existe aucun dessin ou modèle identique déjà divulgué, c’est-à-dire rendu public grâce à une publicité, une commercialisation, etc. Vérifier la nouveauté d’une création ne constitue pas une obligation légale, mais c’est cependant conseillé pour éviter tout risque que votre création passe pour une contrefaçon.

Face à l’ampleur de la tâche, il existe un service de recherche spécialisé de l’INPI, qui peut vous aider à accomplir cette démarche. Attention toutefois, ce service coûte au minimum 300 €, et comprend uniquement la recherche mais pas l’interprétation des résultats. Pour cette étape, l’INPI recommande de se tourner vers un expert en propriété industrielle.

Il existe également un service européen centralisé, permettant de vérifier la disponibilité des dessins et modèles, ainsi qu’une base de données mondiale pour la propriété intellectuelle

En ce qui concerne le caractère propre, il s’agit de vérifier qu’il n’existe pas de modèles similaires déjà existants. Ceci comprend aussi vos propres modèles, dans la mesure où la divulgation peut détruire le caractère propre des modèles. C’est la raison pour laquelle il est recommandé au déposant de ne pas rendre publics ses modèles (logos, design, site Web, etc.) avant d’effectuer son dépôt auprès de l’INPI. Il existe toutefois une exception, puisque si le modèle est divulgué par le créateur lui-même, il peut ensuite les déposer, dans un délai de 12 mois.

Exemples de créations pouvant être protégées

Un logo

Un logo doit être protégé par un dépôt de marque auprès de l’INPI.

Un site Internet

La protection intégrale d’un site Internet comprend trois champs de protection : le nom, les créations graphiques et le contenu éditorial. En ce qui concerne le nom, il est bon de rappeler que l’achat d’un nom de domaine ne constitue pas une protection contre la contrefaçon. Pour parer à cette menace, il est recommandé de protéger son nom de domaine sous la forme d’un dépôt de marque. Les créations graphiques et le contenu éditorial d’un site Internet sont protégés au nom du droit d’auteur. Pour être en mesure de prouver leur authenticité, il convient donc de se prémunir grâce à l’un des procédés détaillés ci-dessus.

Un code ou un logiciel

Les logiciels bénéficient automatiquement d’un droit d’auteur adapté, qui protège uniquement le code, mais pas les fonctionnalités du logiciel. Pour un programme qui présente des fonctionnalités techniques supplémentaires et inédites, on peut avoir recours au dépôt de brevet.

Une photo ou une image

Toutes les photos et images sont protégées grâce au droit d’auteur, et doivent par conséquent faire l’objet des mesures de précaution ci-dessus.

Qui peut effectuer le dépôt ?

Un dépôt de dessin et modèle ou un dépôt de brevet peuvent être effectués par une personne physique ou morale. Une personne physique est par exemple un particulier, qu’il soit commerçant ou artisan, exerçant en libéral. Une personne morale peut être une association, une société, une fondation, une collectivité territoriale, etc.

Il est également possible de faire appel à un mandataire pour le dépôt, c’est-à-dire une personne qualifiée représentant le déposant. Il peut s’agir de :

  • un avocat
  • un expert en propriété industrielle bénéficiant de la mention « brevet » ou « dessin ou modèle » selon les cas
  • une personne habilitée auprès de l’INPI
  • un professionnel d’un État membre de l’Union européenne, habilité à représenter une  personne auprès de l’office de propriété industrielle de son pays
  • une société établie dans l’Espace économique européen, contractuellement liée à la société souhaitant effectuer le dépôt

Quelles sont les démarches à effectuer ?

Si un dépôt de marque ou une démarche préalable pour faire valoir une protection au nom du droit d’auteur sont des formalités relativement faciles et rapides à accomplir, un dépôt de dessin et de modèle ou un dépôt de brevet constituent des démarches longues et couteuses, pour lesquelles il est souvent recommandé de se faire accompagner. C’est particulièrement le cas pour le dépôt de brevet.

Pour un dépôt de dessins et de modèles

Il est d’abord nécessaire de trier vos dessins et modèles, car s’il est possible d’en déposer plusieurs à la fois, tous doivent appartenir à la même classe. Il faut donc vérifier au préalable leur appartenance à une classe commune ou non, grâce à l’outil spécialisé de l’INPI.

Il faut ensuite joindre des reproductions, sous trois formes possibles : dessins à main levée, photographies ou échantillons. Il est très important de joindre des reproductions de tous les détails, dans la mesure où la protection porte uniquement sur ce qui est représenté dans les reproductions. Il est important que les photographies ne comportent que vos modèles, sur fond neutre, sans aucun autre objet ni aucune mise en scène. Il est possible de joindre jusqu’à 100 reproductions par dépôt.

Pour compléter le dossier, il est nécessaire de remplir le formulaire « dessins et modèles », téléchargeable ici. Le fichier d’aide, vous fournit des indications pas à pas pour ne pas faire d’erreur. Toute modification ultérieure sera en effet facturée 78 €.

Il est ensuite possible de déposer son dossier en ligne sur le site inpi.fr, ou de déposer un dossier papier au siège de l’INPI et de procéder au règlement (en ligne ou sur place en fonction du mode de dépôt choisi). Quelques jours après réception du dossier, vous recevrez une copie de votre formulaire, une confirmation de paiement, ainsi qu’un numéro de dossier à conserver soigneusement car il vous sera demandé lors de tous vos échanges. L’INPI examine ensuite votre dépôt, et contrôle notamment que toutes les dessins et modèles appartiennent à la même classe. Si cette condition n’est pas remplie, vous devrez diviser votre dépôt en remplissant un formulaire de retrait. Une fois cette démarche effectuée, l’INPI publie votre dépôt au Bulletin officiel de la propriété industrielle (BOPI). En règle générale, le déposant reçoit l’avis de publication à partir de 3 mois après le dépôt du dossier.

Pour un dépôt de brevet

La condition préalable essentielle au dépôt de brevet est la nouveauté. Il est donc nécessaire d’effectuer des recherches sur les avancées techniques dans votre domaine, afin de s’assurer que votre invention n’existe pas déjà. Pour la même raison, il est primordial de garder le secret sur votre invention avant de déposer une demande de brevet. Il faut ensuite s’assurer que votre invention est brevetable. Pour vous aider dans cette démarche, il est nécessaire de se renseigner sur les critères de brevetabilité.

Le formulaire de dépôt est disponible en ligne, de même que le guide pour le remplir. Dans la mesure où un dépôt de brevet constitue une démarche juridique bien spécifique, il peut être judicieux de se faire aider par un spécialiste en propriété industrielle pour sécuriser son dépôt et gagner du temps dans les démarches. Toute erreur devra en effet être modifiée et chaque modification coute 52 €. Le dépôt et le paiement peuvent ensuite être effectués en ligne ou directement au siège de l’INPI.

L’INPI vous adresse ensuite un numéro national d’enregistrement et procède au contrôle de votre dossier : s’il manque une pièce, vous serez invité à modifier votre dépôt dans un délai d’un mois, faute de quoi il ne sera pas recevable. Votre dossier en règle est ensuite transmis à la Défense nationale. C’est une procédure qui sert à vérifier que l’invention ne présente pas d’intérêt majeur pour l’Etat, justifiant d’en différer la divulgation. C’est rarement le cas en pratique, et l’autorisation est en général délivrée en 4 à 6 semaines.

Le dossier revient ensuite à l’INPI qui établit un rapport de recherche préliminaire visant à cerner l’état de la concurrence, ainsi qu’un avis de brevetabilité, auxquels vous devrez répondre avant que votre dépôt ne soit publiée auprès du BOPI, ce qui advient généralement 18 mois après le dépôt de votre premier brevet. En moyenne, la délivrance du brevet final intervient 27 mois après le premier dépôt.

Résumé des conditions de protections et de leurs couts respectifs

Dispositif Objet de la protection Durée Cout
Dépôt de marque un nom d’entreprise, un nom de domaine, un slogan, un logo, etc. 10 ans, renouvelable 250 € pour un dépôt papier et 210 € pour un dépôt électronique (jusqu’à 3 classes) 42 € par classe supplémentaire Renouvellement : 250 €
Dépôt de dessins ou modèles Une innovation esthétique appliquée : un vêtement, un meuble, une voiture, etc. 5 ans, renouvelable 5 fois Dépôt : 39 € Chaque reproduction en noir et blanc : 23 € Chaque reproduction en couleur : 47 € Renouvellement : 52 € (en option, recherche de nouveauté : minimum 300 €)
Dépôt de brevet Une invention technique nouvelle, comme un logiciel avec des fonctionnalités techniques inédites 20 ans Dépôt : 36 € Rapport de recherche : 520 € Délivrance : 90 €
Droit d‘auteur Toute œuvre de l’esprit originale : une photographie, le texte d’un site Internet, un logiciel sans fonctionnalités techniques inédites, etc. 70 ans après la mort de l’auteur ou après la publication si l’œuvre appartient à une personne morale Pas de démarche spécifique, mais mesure préventive recommandée : Enveloppe Soleau : 15 €, valable 5 ans, renouvelable une fois

Protéger ses créations au sein de l’Europe et dans le monde

Pour assurer une protection de vos créations à l’échelle européenne, il est recommandé de les enregistrer auprès de l’EUIPO (office de l’union européenne pour la propriété intellectuelle). Cet organisme permet d’effectuer un dépôt de marque, à partir de 850 €, valable 10 ans et renouvelable indéfiniment. Il est également possible de faire une demande de dépôt de dessins et modèles, à partir de 350 €, valable 5 ans et renouvelable 5 fois.

En ce qui concerne la protection internationale, l’OMPI (organisation mondiale pour la propriété intellectuelle, ou WIPO en anglais) a mis en place plusieurs systèmes permettant, en une seule demande, de protéger ses créations dans plusieurs dizaines de pays à travers le monde. Pour le dépôt des dessins et modèles, le système de la Haye permet d’assurer une protection dans 66 pays. Le système de Madrid permet lui d’effectuer un dépôt de marques dans 98 pays à la fois. Enfin, le PTC (traité de coopération en matière de brevets) permet d’effectuer un depôt de brevet à l’international.

Protection des dessins et modèles non enregistrés au sein de l’Union européenne

Il est aussi possible de faire protéger des dessins et modèles non enregistrés auprès de l’EUIPO (office de l’union européenne pour la propriété intellectuelle). Il s’agit d’une protection active à partir de la divulgation du dessin ou modèle, c’est-à-dire sa mise à disposition au public. Il revient à l’auteur de documenter le plus précisément possible cette date de divulgation, dans la mesure où il devra être en mesure de la prouver pour toute poursuite éventuelle en cas de contrefaçon ou de copie.

Ce dispositif offre la même protection que pour un modèle enregistré, mais pour une durée de 3 ans seulement, non renouvelable (contre 25 ans dans le cas d’un dépôt de dessins et modèles). Les mesures suivantes sont en effet considérées comme illégales et passibles de poursuites judiciaires si elles sont entreprises sans le consentement de l’auteur :

  • la fabrication du produit comprenant le dessin ou modèle original
  • sa mise sur le marché et sa mise en vente
  • sa commercialisation
  • son importation ou exportation