Droit et e-commerce : attaquer et se défendre

Les atteintes aux règles et au droit ne sont malheureusement pas rares sur Internet. En effet, sur le Web, il est facile et rapide de ne pas respecter l’ensemble de la législation : par exemple, l’utilisation d’une image sans indication claire de sa source enfreint déjà le droit d’auteur et le copyright, et cela peut être puni d’une amende. Mais sur Internet une infraction ou une contrefaçon peut apparaître et aussitôt disparaître. Quelles mesures pouvez-vous alors prendre lorsque vous constatez une infraction aux règles commerciales, à la propriété intellectuelle, aux droits d’auteur, brevets, noms de domaine, dessins ou marques etc. ? Ou inversement que pouvez-vous faire si vous recevez une lettre de mise en demeure ou une injonction voire une assignation?

Mesures immédiates si vous constatez un acte de contrefaçon ou une infraction

Si vous constatez sur Internet une infraction de la part de l’un de vos concurrents, sur la propriété intellectuelle, le droit d’auteur ou encore votre marque, il est recommandé d’agir le plus rapidement possible et avant tout de regrouper des preuves. En effet, dans le cas d’un litige juridique, le plus important est d’être en mesure d’expliquer et de prouver un acte de contrefaçon ou une infraction commerciale. Par conséquent, il est important de documenter soigneusement tout ce que vous pouvez remarquer. Les étapes suivantes peuvent vous aider à conserver des preuves :

Documenter l’infraction ou l’acte de contrefaçon et prendre des captures d’écran

En particulier au niveau du commerce en ligne, les sites Web sont en constante actualisation et en perpétuelle évolution. Il est donc nécessaire de sécuriser le constat d’infraction. En effet si l’infraction n’est plus décelable, vous ne pourrez alors plus engager de poursuites judiciaires ou bien avoir de grandes difficultés à prouver un acte de contrefaçon. Ainsi il est recommandé d’enregistrer le code source complet, y compris tous les éléments externes et les graphiques sur votre ordinateur. De plus il est nécessaire de prendre des captures d’écran complètes avec lesquelles vous enregistrez l’opérateur et la date d’accès au site Internet.

Créer un protocole

Il est très facile d’oublier des détails importants qui peuvent être significatifs et se révéler déterminants des mois plus tard lors d’une procédure judiciaire. Il est donc nécessaire d’avoir une description aussi détaillée que possible de tous les évènements et de vos observations. Ceci comporte par exemple, le lieu et la date de la constatation de l’infraction, le nom des personnes ou des entreprises impliquées ainsi que toute correspondance entre vous et la partie adverse. Il est recommandé d'enregistrer tous les emails et de les attacher à votre protocole sous forme imprimée. Peuvent s’ajouter tout document pertinent ou document prouvant vos droits. Avec des preuves précises, non seulement vous renforcez votre crédibilité mais vous pouvez aussi renforcer vos chances de gagner contre la partie adverse.

Témoins et articles de lois

Les déclarations des témoins constituent un élément de preuve complémentaire non négligeable. Par conséquent, il est bon de faire appel à au moins une autre personne qui peut confirmer votre déclaration devant un tribunal. Cette personne peut être par exemple quelqu’un de votre entreprise. Enfin, il est au préalable pertinent de vérifier la loi pour bien constater un acte de contrefaçon ou une infraction. Vous pouvez notamment retrouver en ligne l’intégralité du code du commerce. De plus, dans le domaine de l’e-commerce, il peut être bien souvent utile de se référer au code de la propriété intellectuelle qui est librement consultable.

Possibilité d’attaque : la mise en demeure

Une lettre de mise en demeure offre encore la possibilité de régler un litige à l’amiable. Cela signifie que vous réclamez à votre adversaire de s’exécuter sous un certain délai fixé, sous la menace, à défaut, de saisir les juridictions pour que l’affaire puisse être jugée. Pour qu’un règlement à l’amiable puisse être conclu, une mise en demeure doit répondre à certaines exigences au niveau de la forme et du contenu. De plus, depuis avril 2015, avant de pouvoir saisir un juge, il faut désormais justifier d’une tentative de résolution amiable d’un conflit. Ainsi la mise en demeure est un outil essentiel lors d’un différend commercial ou d’un constat d’acte de contrefaçon.

Que doit contenir une mise en demeure ?

En principe, il n y a pas d’obligation formelle mais elle doit néanmoins satisfaire certaines conditions pour être considérée comme telle devant un tribunal. Le but de cette lettre est d’inciter la tierce partie à s’exécuter sous la menace d’une action en justice et de résoudre ainsi le problème à l’amiable. De plus, cette lettre démontre également votre volonté de trouver une résolution amiable. Ainsi, la mise en demeure doit comporter plusieurs mentions obligatoires :

  • La date et les coordonnées du destinataire ;
  • La mention « mise en demeure » : en effet, celle-ci indique qu’il s’agit d’une première étape d’une procédure qui peut aller jusqu’ à saisir la justice si aucune réponse satisfaisante n’est retournée ;
  • Un exposé du litige : il doit décrire le plus précisément possible les circonstances du litige mais ne doit généralement pas être trop long ;
  • L’énonciation des principes juridiques qui fondent la ou les demandes ;
  • La réclamation, c’est-à-dire ce que doit effectuer le destinataire afin de régler le litige, comme par exemple un dédommagement, remboursement, retrait d’une image etc. ;
  • Un délai fixé pour la résolution du problème. Ce délai doit être raisonnable, généralement entre 1 et 2 semaines. Un manque de réponse est une condition préalable à la saisine du juge ;
  • Les coordonnées de l’expéditeur ;
  • La signature de l’expéditeur.
Conseil

Il est important de toujours envoyer un document écrit. En cas d’action en justice, seule une mise en demeure écrite peut être considérée comme telle devant les tribunaux. De plus, l’envoi doit se faire par lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) ou bien par un huissier de justice.

Un avertissement doit être répondu dans le délai imparti (en général deux semaines). Si le délai a expiré, une déclaration ultérieure du destinataire n'est plus valable. Ainsi, en théorie, l'auteur de l'avertissement peut engager directement une procédure judiciaire dans laquelle la partie adverse doit payer la totalité des frais de justice en cas de défaite. Si, par contre, la personne réprimandée décide de se conformer dans le délai imparti, l'affaire est réglée sans procédure judiciaire.

Mise en demeure envoyée : suite de la procédure

Si vous recevez une réponse

Si la partie adverse accepte et répond de manière positive à votre mise en demeure, cela signifie qu’elle s’engage alors à mettre fin à l’infraction ou à l’acte de contrefaçon et cela avec effet immédiat. Bien évidemment il est nécessaire d’archiver la réponse en cas de complication ultérieure. Enfin, il peut arriver que la partie adverse demande d’engager une négociation, voulant peut-être clarifier une partie du litige en question. Libre à vous d’entrer en négociation directement ou avec un avocat afin de trouver un compromis.

Si vous ne recevez aucune réponse ou obtenez un refus

Si vous ne recevez pas de réaction à votre lettre après l’expiration du délai fixé, vous avez plusieurs solutions : la première est de relancer la partie tierce en envoyant une seconde lettre. L’autre option est de directement contacter le tribunal. Ce dernier point est envisageable si vous n’obtenez aucune réaction de l’autre partie. Un règlement à l’amiable est recommandé pour des raisons de coûts et une procédure judiciaire peut se révéler longue.

Un organisme qui peut être utile lorsque vous êtes en conflit avec une entreprise dans le domaine de l’e-commerce est la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes). Elle s’assure en effet du respect par les professionnels des dispositions stipulées dans le code du commerce et peut introduire une action en justice au nom du ministre si elle constate une pratique interdite par l’article L 422-6 du code de commerce. Vous pouvez retrouver plus d’informations sur ce sujet directement sur le site Internet officiel de la DGCCRF.

L’assignation : une alternative à la mise en demeure

Notamment concernant une contrefaçon de droits de propriété intellectuelle, une procédure d’assignation peut être employée. On ne parle dans ce cas plus de règlement à l’amiable puisqu’il est question de saisir le tribunal d’instance ou le tribunal de commerce et dans certains cas le juge de proximité. Pour un litige entre deux entreprises c’est le tribunal de commerce qui est alors compétent. Dans le cas d’une contrefaçon, l’assignation doit être complète et documentée : il est ici nécessaire de fournir toutes les preuves de l’infraction ou de la contrefaçon, ce qui va permettre aux autorités de rendre un verdict. En l’absence de preuves, il y a nullité de l’assignation.

Pour les deux parties, la présence d’un avocat est ici nécessaire. Mais il existe plusieurs assignations différentes et mêmes des procédures spéciales ou simplifiées. Selon les cas concernés, vous pouvez trouver de plus amples informations concernant la saisine du tribunal de commerce sur le site officiel de l’administration française ou bien pour saisir le tribunal d’instance.

Recevoir une mise en demeure : les possibilités de défense

Vous venez de recevoir une mise en demeure, quelles sont alors vos options et comment y réagir ? Bien sûr, vous avez le droit de ne pas y répondre. Notamment si vous estimez la mise en demeure abusive et infondée. Cependant, il est souvent recommandé d’entrer en contact avec l’expéditeur et de montrer au moins une volonté de coopérer, ce qui peut dans le cas d’une saisine du tribunal augmenter vos chances de succès. Lorsque vous recevez une lettre de mise en demeure, il existe en général quatre options :

  • Accepter de répondre positivement à la mise en demeure et donc d’exécuter la demande afin de mettre fin au conflit.
  • Contacter l’entreprise, la personne ou son avocat afin d’entamer une négociation ou une médiation si vous n’êtes pas d’accord, mais souhaitez éviter d’aller devant les tribunaux.
  • Contacter la personne ou son avocat pour l’informer d’un refus, expliquer le motif de votre refus, et donc contester la demande de mise en demeure.
  • Ne rien faire et attendre une éventuelle suite, ce qui peut être une poursuite devant les tribunaux.

Il peut arriver qu’une entreprise décide d’envoyer de nombreuses mises en demeure, notamment à des clients (dans le cadre de factures impayées) et même à des concurrents. Cependant, une mise en demeure peut être considérée comme abusive si elle n’est pas justifiée. Hors dans ce cas, le destinataire de la lettre de mise en demeure peut à son tour engager des poursuites et condamner l’expéditeur à des dommages et intérêts.

Dans la pratique, une mise en demeure peut toujours être modifiée. Il s’agit bien souvent d’une première étape dans une négociation pour trouver une solution à un litige. Et c’est dans cette phase que chaque partie peut se défendre et prouver ses droits avec des informations appropriées. De plus en plus de litiges sont en effet désormais réglés à l’amiable, avec ou sans l’aide d’un avocat, puisque la procédure au tribunal peut parfois se révéler longue, coûteuse et fastidieuse.

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